Comprendre les ruptures en réalité virtuelle

Publié par Jean-Philippe Rivière, le 24 septembre 2025   49

Les ruptures, on les connaît surtout en amour… mais saviez-vous qu’elles existent aussi en réalité virtuelle ? Pas de cœurs brisés ici, mais ce que l’on appelle des Breaks in Presence.

Une des forces de la réalité virtuelle (VR) tient à sa capacité à nous plonger dans un monde numérique, avec parfois la faculté de nous faire oublier le monde réel. Casque vissé sur la tête, mains qui tâtonnent un décor virtuel, cœur qui bat plus fort face au vide… Tout semble vrai. Mais il suffit parfois d’un rien pour que la magie disparaisse : un bruit de téléphone, un bug graphique, une incohérence… Et soudain, nous reprenons conscience de la pièce autour de nous, de nos pieds vissés au sol, du casque autour de notre visage. C’est ça, une rupture de présence.

Mais que se passe-t-il vraiment dans la tête des utilisateurs lorsque ces ruptures de présence surviennent ? C’est la question à laquelle une équipe de quatre chercheurs de Nantes Université a voulu répondre. Le projet RUPTUR est né d’une collaboration entre informaticiens et psychologues, sur le vécu de ces ruptures de présence.

Dans une étude menée à Nantes Université, 14 volontaires ont été plongés dans un décor vertigineux : un gratte-ciel en construction, avec une planche à traverser dans le vide. De quoi provoquer un fort sentiment de présence… et quelques sueurs froides.

Pendant l’expérience, les chercheurs ont volontairement provoqué des distractions pour induire des ruptures de présence : musique qui se déclenche, planche retirée, écran noir, bruits extérieurs… Ensuite, place aux entretiens dits micro-phénoménologiques : une méthode particulière qui permet de revisiter avec précision ce que la personne a ressenti au moment de la rupture. Résultat : 57 épisodes de rupture finement décrits et analysés.

Résultats ? Loin d’être de simples « bugs », les ruptures de présence se révèlent être des expériences complexes. Les chercheurs proposent quatre grands types de catégorisation de ces ruptures :

  • Les ruptures de présence dites réfléchies, où l’utilisateur remarque quelque chose d’anormal et enquête sur ce qui se passe.
  • Les ruptures d’auto-préservation, où, face au vertige ou à la peur, l’utilisateur se rassure en se disant que "ce n’est pas réel".
  • Les ruptures écartées rapidement, où la perturbation est perçue mais vite mise de côté.
  • Les ruptures où le monde virtuel contredit trop fortement les attentes du participant.

Ces catégories prouvent que les ruptures de présence ne sont pas de simples interruptions binaires, mais des processus complexes et variés, pas forcément négatifs, que chacun gère à sa façon. Finalement, qu’elles soient amoureuses ou virtuelles, les ruptures nous en apprennent beaucoup sur la façon dont l’humain fait face à des problèmes. En VR, elles nous rappellent que l'humain capables de jongler entre deux mondes, le réel et le virtuel, et que, bien qu’il suffise d’un détail pour basculer de l’un à l’autre, nous sommes également capables de nous réadapter au monde (virtuel!) après une ruptures (de présence).