Contaminants métalliques en zones humides : un projet pour mieux comprendre leur comportement & leur évolution

Publié par Laboratoire de planétologie et géosciences (LPG), le 25 juin 2025

Le dérèglement climatique et l’augmentation de l’activité humaine amènent des changements dans nos paysages. Rejetés dans l’environnement par l’activité industrielle, des métaux lourds sont présents en plus grande quantité dans la nature, notamment lors d’épisodes de crues extrêmes favorisés par de fortes pluies. Gildas Ratié, maître de conférences au Laboratoire de Planétologie et Géosciences et à Nantes Université, nous explique l’importance de son projet de recherche ISOCRUE qui vise à analyser et à tracer ces métaux dans le sol et dans les zones humides.

La contamination des zones humides

Vision schématique de la remobilisation des métaux dans les zones humides

Une zone humide est considérée comme telle dès qu’il y a présence d’eau en alternance. Ces zones ont notamment une forte capacité de rétention de contaminants, leur conférant un pouvoir dit « tampon » . En effet, le sol de ces zones est principalement composé de matière organique mais aussi d’oxyhydroxydes comme l’oxyde de fer, qui ont une forte capacité à capter les contaminants. En cas d’événements comme une crue extrême ou une inondation, ces contaminants peuvent être exportés et transformés. Une perturbation du milieu va donc subvenir. Cette situation peut s’aggraver lors de périodes de sécheresse : le sol est imperméabilisé et empêche les contaminants d’être absorbés. Avec la recrudescence de forts changements climatiques, la question se pose : comment ces polluants, principalement des métaux, impactent l’environnement ?

Entre la partie géogénique (déjà présente naturellement dans le sol) et anthropique (apport dû à l’activité humaine) de ces métaux, sa proportion amène de nombreuses perturbations locales, ce qui pose la première réflexion de ce projet : la compréhension du processus de remobilisation de ces contaminants.
En effet l’imperméabilisation des sols (en période de sécheresse notamment) et les passages de crues extrêmes entraînent une perte de contact avec le sol et l’atmosphère, créant une situation d’hypoxie. Dans ces conditions, des processus géochimiques pouvant également être catalysés par l’activité microbienne vont modifier des éléments comme le fer : lorsque le fer est réduit en condition hypoxique, il est remis en solution en même temps que les polluants qui sont fixés à lui. Alors que dans des conditions oxydantes, le fer précipite, sous forme d’oxyde de fer et empêche la remobilisation des métaux en solution.

Lors des épisodes de crues, la fraction dites colloïdale (agrégats de taille inférieur à 0,45µm) crée un lien direct entre la forme des métaux exportés et leur mobilité. Sa faible taille et donc son faible poids va l’empêcher de subir la gravité et de tomber dans le fond du courant. Elle ne va donc pas sédimenter et restera dans l’eau : elle restera donc un vecteur de contamination lors de crues ou d’inondations, étant donné que ces particules ont une capacité forte à capter les métaux.
L’étude va se focaliser sur deux métaux en particulier : le cadmium (toxique) et le cuivre (oligo-éléments mais toxique à haute concentration dans l’environnement). Ces deux métaux n’ont pas été choisis au hasard : l’un est très sensible et l’autre peu sensible au potentiel redox. Cela permet d’analyser si le milieu est en état hypoxique ou non (manque d’oxygène) par le transfert d’électrons entre les composants, phénomène qui représente la consommation vitale de certaines bactéries.

Mesure in situ de paramètres physicochimiques d’un cours d’eau

Le projet en bref

Démarré en janvier 2025, le projet de recherche ISOCRUE (financé par la Région Pays de la Loire, Nantes Université et le LPG) inclus un post doctorat de 18 mois (Marine Casetta) qui a débuté en juin pour mener un travail de simulation en laboratoire (oxyde de fer, matière organique et métaux). Par ailleurs, d’autres expériences sont en cours : Louka Masko, étudiant stagiaire M2 (Université de Toulon), travaille sur des carottes de tourbes contaminées par dépôts atmosphériques industriels, où il mesure l’isotopie du cuivre et du zinc, ce qui permet de déterminer leurs sources et les mécanismes qu’ils subissent en fonction de la variation du niveau d’eau dans la tourbière.
Un autre objectif de ce projet est de comprendre le rôle des bactéries dans la réduction du fer donc la remobilisation des métaux dans ce contexte d’anoxie.
La manière dont le métal va être relargué, adsorbé mais aussi reprécipité est analysée. En parallèle, d’autres expériences permettront d’analyser le gradient isotopique du cuivre et du cadmium en solution à différents moments, afin de mesurer le fractionnement isotopique en fonction du temps. Ainsi il sera possible d’identifier les processus de renouvellement/remobilisation des métaux dans la zone humide sous forçage climatique.

Un climat qui évolue rapidement

Les origines de ce projet répondent à plusieurs problématiques, résultant d’une convergence entre des études existantes, des appels à projet ainsi qu’un questionnement personnel. Gildas Ratié explique alors qu’un des buts de ce projet est de déterminer si les zones humides sont toujours des puits, ou à terme deviennent des sources de contamination. Un puits permet de conserver sans impacter l’environnement, là où une source peut diffuser les contaminants et avoir un impact négatif sur l’environnement.
Depuis l’ère industrielle, 80 % des zones humides ont disparu : de plus en plus en danger, ces zones sont pourtant précieuses pour l’écologie. En tant que source de biodiversité, elles jouent également le rôle de filtres épurateurs. Or, à cause du changement climatique, les pluies perturbent de plus en plus nos paysages. Étudier ces métaux lourds n’est donc plus une option : c’est une nécessité pour préserver l’équilibre fragile de nos écosystèmes.

D’après le projet ISOCRUE, financé par la Région pays de la Loire, Nantes Université et le Laboratoire Planétologie et Géosciences